L’identité visuelle : le nouveau défi des rappeurs français

Aujourd’hui, le rap détient une place prépondérante au sein de l’industrie musicale dans sa globalité. Malgré une culture controversée lors des précédentes décennies, le rap et notamment le rap français, à l’échelle de l’hexagone, a su se frayer un chemin en haut des tops, et ce grâce à divers phénomènes ; la diversification du genre, mais surtout la digitalisation.

Cette digitalisation s’est matérialisée par deux points. La démocratisation du streaming et celle des réseaux sociaux. Deux conséquences sont à observer. La première est l’expansion du rap français ayant engendrée l’apparition de plus en plus de nouveaux artistes au fil du temps. La seconde, la mutation des supports de communication, devenue aujourd’hui bien plus visuels qu’auparavant.

Les stratégies marketing se sont alors adaptées et ont impliqué l’arrivée de nouveaux acteurs ainsi que l’approfondissement du domaine de compétences de ceux déjà présents. Ces acteurs ne sont autres que les graphistes, les photographes, les réalisateurs ou encore les stylistes. Ils ont vocation aujourd’hui à mettre en image ce que nous écoutons à travers le développement de l’identité visuelle des rappeurs français.

Niska, tournage du clip « W.L.G » © Cestpasunfilm

Le concept d’identité visuelle

Dans sa définition propre l’identité visuelle est ce qui permet à un artiste d’exister dans l’esprit de l’auditeur sans être assimilé à un concurrent. Qu’est-ce qui fait que Niska n’est pas Hamza, qui lui-même n’est pas Vald et ainsi de suite, outre leur registre musical ?

Les deux constats évoqués plus tôt à savoir l’engorgement du rap français et la mutation des supports de communication, finalement se répondent l’un l’autre. L’identité visuelle trouve son intérêt principal en ce qu’elle permet une différenciation au sein du secteur de plus en plus dense qu’est le rap français.

Si son intérêt est prouvé donc, il n’en reste pas moins un exercice qui n’est pas toujours bien maîtrisé ou encore dénigré par une partie des rappeurs. L’étude quantitative réalisée pour cet écrit révèle notamment que sur 258 réponses, 80% des personnes interrogées considèrent que moins de la moitié des rappeurs français travaillent efficacement leur identité visuelle.

Les limites rencontrées dans le développement de ce concept

Au lieu de développer une différenciation au sein du rap, on observe alors une uniformisation du rap français tant visuelle, que musicale. Le journaliste de Mouv’, Genono rencontré pour l’occasion déclare que « c’est un des effets pervers de la très bonne santé du rap. Elle pousse à la productivité mais la créativité des artistes n’est pas illimitée donc on se retrouve à faire des choses qui se ressemblent beaucoup ».

Par ailleurs, la prise de risque de certains rappeurs est encore moindre. La styliste Axelle Gomila également rencontrée pour cet écrit déclare notamment « Les rappeurs n’ont pas l’habitude (…), je considère que mon travail est accompli lorsque j’ai réussi à faire comprendre à un artiste que j’ai quelque chose de positif à apporter à son image ».

Et c’est là tout l’enjeu. L’idée n’est pas de faire primer le visuel sur le musical, ou de grimer le rappeur. Le but est de réussir à développer une identité visuelle à la fois authentique et cohérente avec l’univers de ce dernier.


PLK & SCH, tournage du clip « Hier » © Cestpasunfilm

Le branding au service de l’authenticité et de la cohérence

Pour se faire, c’est un réel travail de branding qu’il est préconisé d’effectuer. En quelques mots, le branding est une stratégie marketing qui vise à promouvoir l’image d’une entreprise, d’une marque ou d’un produit. Il regroupe donc, ses valeurs, son logo (image forte), sa charte graphique, son identité visuelle. Il permet de développer une personnalité forte et une identité unique qui par conséquent sera un outil efficace de différenciation au sein du secteur donné. Appliqué au rap, trois étapes clés sont à effectuer. Définir l’identité de l’artiste, développer son storytelling et faire vivre cette histoire en communiquant (médias, réseaux sociaux). L’objectif final est de créer un lien entre le rappeur, ses auditeurs et l’industrie musicale.

Aujourd’hui nous pouvons facilement citer 3 noms qui ont réussi à développer une identité visuelle efficace : PNL, SCH et Laylow. Ce sont ces mêmes noms qui, pour l’étude quantitative réalisée à la question « Quel rappeur selon vous à l’identité visuelle la plus marquée ? », récoltent ensemble 70% des réponses. Un pourcentage élevé à l’échelle de l’ensemble des rappeurs français, le choix de la réponse étant laissé libre.

PNL © Alice Moitié / SCH © Cestpasunfilm / Laylow

Finalement ce travail visuel se présente comme un prolongement de la musique du rappeur et concrétise l’expérience de l’auditeur. En ce sens il a vocation à construire une carrière solide pour le rappeur et qui puisse surtout s’inscrire dans le temps.

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Article rédigé par Maÿlis Yamba dans le cadre de la rédaction d’une thèse professionnelle, dirigée par Axelle Gomila et ayant pour problématique « Dans quelle mesure faire de l’identité visuelle des rappeurs français un outil de différenciation au sein de ce secteur ».

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